PSYCHO : Drépanocytose et emploi
Au sein de l’association, nous recevons des personnes drépanocytaires qui travaillent et qui ont du mal à s’adapter dans le milieu professionnel. En tant que psychologue de l’APIPD, je souhaite partager avec vous, ma rencontre avec l’une de ces personnes.
Monsieur E. a 27 ans, depuis 20 mois, il travaille à temps partiel dans un service de reprographie, ce qui l’amène à évoluer dans un espace bruyant, pas forcément bien ventilé, avec du port de charge. Il arrive aussi à monsieur E. d’aider aux livraisons chez les clients de l’entreprise, si nécessaire.
Celui-ci n’a pas souhaité informer son employeur du fait qu’il ait une Reconnaissance Qualité Travailleur Handicapé (RQTH) et ne veut surtout pas que ces collègues se rendent compte de sa maladie.
En 20 mois, monsieur E. a eu 12 absences plus ou moins longues et toutes pour raisons médicales.
Aujourd’hui, monsieur E. sollicite notre association parce que sa situation professionnelle se dégrade. Son responsable direct devient très insistant sur ces absences et rechigne de plus en plus à assouplir son rythme de travail, même si celui-ci présente des signes évidents de fatigue. De plus, monsieur E. a l’impression que ses collègues le laissent de plus en plus de côté même à la pause déjeuner. Il dit que ces derniers communiquent moins avec lui. Ce qui le perturbe le plus, c’est qu’il a l’impression que certaines réflexions lancées à la cantonade, le visent personnellement :
« … quand on est fainéant, on ne fait pas ce boulot là… » ou « J’en ai marre de faire le boulot des autres qui font semblant d’être malades. »
Il en souffre et, en plus de gérer ses crises dans le plus grand secret, il perd peu à peu le goût d’aller travailler.
Monsieur E. a peur de dire à son employeur qu’il est malade parce qu’il a peur d’être renvoyé. Pour lui, aucun patron ne va garder une personne handicapée.
L’anxiété croissante de monsieur E. accentue les possibilités de déclencher une crise et cela le stress encore plus.
Après avoir discuté avec monsieur E., il ressort que ce dernier ne prend pas la mesure de ce qui se passe dans le service, lorsqu’il est absent, de manière si brutale et sans explication fondée. En fait, il n’évalue pas l’impact direct sur ces collègues ou sur son responsable, en termes de surcharge de travail. Il lui semble avant tout avoir fait de son mieux pour tenir le plus longtemps possible.
Résultat : l’incompréhension est totale des deux côtés.
Et pourtant des solutions existent ! Même si les crises ne peuvent pas s’anticiper, la loi du 11 février 2005 sur le Handicap, prévoit que : en cas d’absences répétées du travailleur en situation de handicap, pour des raisons liées à sa situation de handicap (soins ; contrôles ; accompagnement médico-social…), un protocole de relais d’activité peut être mis en place au sein de l’entreprise pour pallier aux absences répétées (traçabilité du travail effectué pour faciliter une reprise au pied levé par un autre collègue désigné en binôme ; attribution en priorité de tâches non bloquantes pour la bonne marche du service ; etc…)
Les tâches assignées au travailleur en situation de handicap doivent respecter les contre-indications déclarées par ce dernier (fatigabilité ; port-de-charge ; station debout prolongée ; etc…)
Le médecin du travail est le relais privilégié pour mettre en place un protocole de surveillance médicale bienveillant avec l’entreprise (quoi faire en situation de crise ? Qui prévenir ? Quel procédé d’évacuation adopté pour ce type de crise ? etc…)
De plus, la loi du 11 février 2005 incite les entreprises désireuses, à faire appel à des organismes spécialisés dans la sensibilisation au Handicap pour intervenir auprès des équipes, pour former sur les attitudes et les gestes à tenir en fonction du type de handicap, ou encore recréer du sens au sein d’une équipe de travail et rompre l’isolement d’un salarié handicapé au sein de son service.
Si tous ces points de vigilance peuvent être observés, un salarié drépanocytaire peut parfaitement rester à l’emploi de manière sécurisée. La seule condition est qu’il puisse bénéficier des outils mis en place au titre de la loi sur le handicap.
Après plusieurs temps de discussion, monsieur E. a décidé de prendre rendez-vous avec son responsable direct pour lui expliquer sa situation. Mais, nous accompagnons également d’autres personnes dans cette situation qui ont choisi de ne pas informer leur employeur.