PORTRAIT : ABORAZA ET TAYLOR, SE BATTRE OU SE TAIRE !
Se battre ou se taire ! Tel est le cri de guerre d’Aboraza Beranto et de Taylor Fixy, les deux premiers ambassadeurs de la première association française de lutte contre la drépanocytose.
À eux deux, ils représentent 59 ans de lutte contre la première maladie génétique au monde. Depuis leur plus jeune âge, Aboraza et Taylor sont les porte-paroles de l’APIPD (Association Pour l’Information et la Prévention de la Drépanocytose). Ces « frères de sang » incarnent l’espoir et sont les « athlètes » de l’APIPD. Pendant une dizaine d’années, ils ont tous deux joué un rôle important dans ce combat : celui de transmettre des messages d’espoir. Voici leur histoire…
Crâne rasé, l’air déterminé, c’est un Aboraza fort et confiant que nous avons rencontré. Ce jour-là, le temps n’était pas au rendez-vous, mais cela n’a pas empêché Abo (c’est son surnom) de venir témoigner. Abo a longtemps renié sa maladie : « Il n’y a pas que la drépanocytose, dans la vie ! ». C’est ce qu’il répétait sans cesse à ses proches. Aujourd’hui, il est de retour, en bonne compagnie, pour nous faire part de ses 36 années de lutte contre la drépanocytose.
Aboraza Beranto est né en 1978 à Paris. En 1980, avec ses parents, il pose ses valises sur son île d’origine : Madagascar. Pendant deux années, il profite de ses proches, de la plage et du soleil… la belle vie pour un petit garçon ! Des années d’insouciance qui l’ont malheureusement vite rattrapé :
« Je me souviens à cette époque, je vivais à Madagascar et lors des journées que nous passions à la plage, il m’arrivait de ramper pour sortir de l’eau car j’avais trop mal aux jambes pour me mettre debout et nous ne savions pas pourquoi.
Suite à cela, un ami de la famille pensait savoir ce que c’était et nous a dirigé vers un ami médecin qui nous a confirmé que j’étais atteint de la drépanocytose. »
La drépanocytose S Bêta Thalassémie d’Aboraza a été diagnostiquée à ses 4 ans, suite à des crises douloureuses. Lui et sa famille ont quitté Madagascar pour la France afin qu’il puisse bénéficier des meilleurs soins.
En France, Aboraza est mieux suivi. Aujourd’hui, il suit un traitement médicamenteux, adapté à sa maladie :
« Mon traitement est la Spéciafoldine (10 comprimés par mois) ainsi que des saignées lorsque mon taux d’hémoglobine dépasse 12,5. À une époque, j’ai voulu tenter de vivre sans saignée en accord avec le docteur qui me suit afin de voir si je faisais plus de crises que d’accoutumée. J’ai une machine à oxygène à domicile pour une oxygénothérapie lorsque je me sens fatigué ou alors quelques heures par jour.
Je prends du Doliprane ainsi que du Biprofénid lors de crises et si vraiment cela est nécessaire, je prends de la morphine par voie orale, sachant que je fais une intolérance lorsque celle-ci est administrée en intraveineuse. Il faut donc que ce soit de très grosses crises pour que j’en prenne tout de même. »
Il faut savoir que la drépanocytose composite S Bêta Thal d’Aboraza est particulière car son cas nécessite des saignées transfusionnelles contrairement à la majorité des malades, qui eux, reçoivent des échanges ou des transfusions.
Les hospitalisations se font rares, mais les crises douloureuses sont souvent présentes :
« Il m’arrive de faire quelques crises que je gère à la maison. Je suis actuellement dans une période de ma vie où j’en fais plus que d’habitude. Elles sont liées au stress et la fatigue. En ce qui concerne les hospitalisations, elles sont très rares. Peut-être une par an et encore. »
Deux grosses crises l’ont cependant marqué :
« Une où mon taux d’hémoglobine était descendu à 5 et continuait à descendre malgré les échanges sanguins. Et une autre où je n’avais pas ressenti de douleur mais où j’avais perdu l’ouïe de l’oreille droite. J’ai fait une surdité brusque. Et suite à un échange sanguin, elle est revenue petit à petit. »
Avec tout ce qui lui est arrivé, Aboraza s’est posé beaucoup de questions sur son existence, sa maladie et son avenir. Cet informaticien en reconversion a appris, au fil des années, à ne plus être en conflit avec sa maladie.
« Je ne la défie plus et ai accepté le fait qu’elle fasse partie de moi. Du coup, j’apprends même encore aujourd’hui à vivre avec. J’écoute plus mon corps et je fais plus attention maintenant. Je ne pense pas en avoir jamais voulu à quelqu’un si ce n’est Dieu. Par moment, on se pose la question de savoir s’Il existe. Puis, au final, on garde la Foi et on ne se pose plus la question. »
Les difficultés sont désormais liées aux études qu’il a reprises. Actuellement en formation afin de devenir ergonome (via un Master 2 au CNAM), il est difficile pour lui de trouver le bon équilibre : « Il faut trouver le meilleur moyen d’avancer, de rattraper, et d’avoir des phases de repos. Finalement, il faut trouver son rythme de croisière et accepter les choses. ».
De 1989 à 1999, Maurice Beranto, le père d’Aboraza, fût à la tête de l’APIPD. Pendant une dizaine d’années, il s’est battu aux côtés de son épouse et de bénévoles, pour faire connaître la maladie de son fils et faire avancer la recherche. Pendant une dizaine d’années, Aboraza fût l’ambassadeur de l’association. Il a eu pour rôle d’informer et sensibiliser les personnes atteintes de la drépanocytose. Il est même apparu, aux côtés de Jocelyne Béroard (chanteuse du groupe Kassav’) et de Globi (première mascotte de l’APIPD) dans une vidéo explicative et préventive sur la drépanocytose. Le petit garçon en salopette qui chantait « De l’eau, de l’eau, de l’oxygène ! Pas de microbes, une bonne hygiène ! De l’eau, de l’eau, beaucoup, souvent… », c’était lui :
« J’ai apprécié d’avoir fait ce que j’ai pu faire à l’époque mais à un moment donné, j’ai aussi voulu vivre pour moi et rester loin de la maladie. Je me suis dit, je fais mes crises que je dois apprendre à gérer mais lorsque la santé va bien, je restais quotidiennement dans la maladie car il fallait répondre aux questions et aux attentes des personnes qui avaient besoin d’être rassurées. Au final, j’avais l’impression que ma vie c’était la drépanocytose. Je m’en suis donc éloigné afin de vivre ma vraie vie et non pas celle qui ne fait que tourner autour de la maladie.
Il est beaucoup plus facile à mon âge, de comprendre les enjeux et d’avoir envie de donner du temps aux malades et surtout aux enfants et leur famille. »
Pendant ce temps : « De l’eau, de l’eau, de l’oxygène ! Pas de microbes, une bonne hygiène ! De l’eau, de l’eau, beaucoup, souvent… ». Durant toute son enfance, Taylor a été bercé par cette mélodie. Sa mère lui mettait ce vidéoclip pour qu’il comprenne sa maladie et apprenne à vivre avec. Taylor connaissait (parfaitement) la chanson. Le message d’Abo, de Jocelyne Béroard et de Globi est très bien passé : « Merci Globi, on a compris ! ».
En 1999, Jenny Hippocrate Fixy devient la présidente de l’APIPD. La même année, Aboraza et son père s’effacent. Ce n’est qu’en 2002 que Taylor reprend le flambeau et devient à son tour, le nouvel ambassadeur de l’association.
Taylor a 23 ans. Il est né en 1992 à Paris. Son visage très expressif témoigne de la passion qui l’anime. Depuis son plus jeune âge, le jeune homme souhaite devenir pilote de ligne. Malheureusement, sa drépanocytose SS ne lui permet pas de concrétiser son rêve d’enfant :
« Depuis tout petit, je souhaite exercer ce métier mais la maladie m’en a empêché et les médecins me l’ont interdit. J’ai très rarement profité de ma jeunesse et même de mon adolescence. J’ai vu des proches atteints de la même maladie que moi, partir.
J’ai souvent été privé d’espoir, jusqu’à ce que je décide que rien ni personne ne me dicterait les règles que je devais suivre. J’ai décidé de suivre mes propres règles. »
Taylor a tenu parole. Aujourd’hui, il a commencé à réaliser une partie de ses rêves et compte aller encore plus loin. Conscient des risques qu’il encourt, il ne compte pas baisser les bras face à la drépanocytose : « Mieux vaut profiter et vivre peu de temps que de s’ennuyer et de vivre plus longtemps ! ».
Taylor mène sa vie à sang pour sang. Il a pris des cours de pilotage et a obtenu son examen théorique à 21 ans. Aujourd’hui, il est désormais, directeur général de l’entreprise qu’il a fondé à Hong Kong.
Mais avant ça, Taylor a parcouru un long chemin et s’est beaucoup battu contre sa maladie. Il a d’ailleurs deux livres à son actif, dont un sur sa maladie.
Tous les jours, il est soumis à un traitement préventif et une fois par mois, pendant une demi-journée, il subit un échange transfusionnel :
« Mon traitement habituel est la Spéciafoldine qui est un petit comprimé de couleur jaune composé d’acide folique. Ce dernier permet de donner des vitamines aux globules rouges. Toutes les 6 semaines, je dois aussi faire des échanges transfusionnels ; ce qui consiste à me faire changer une partie du sang pour réduire l’hémoglobine S, qui est l’hémoglobine anormale, celle de la drépanocytose. »
Avant les échanges transfusionnels, Taylor était souvent hospitalisé : « environ une fois par mois voire plus ». Il passait en général, plus de temps à l’hôpital qu’à la maison.
Grâce aux échanges transfusionnels et aux dons du sang, il a appris à mieux vivre avec sa maladie :
« Pour calmer la douleur, en cas de crises douloureuses, je prends de l’Efferalgan codéiné, avec des bouillotes bien chaudes que je place sur la partie douloureuse.
Parfois, lorsque ça ne fonctionne pas, je dois me faire hospitaliser pour me faire perfuser ; alors on me prescrit de la morphine. »
Vivre au quotidien avec la drépanocytose est une épreuve difficile et douloureuse. Comme Taylor le dit souvent : « On ne vit pas, on survit ! ».
La maladie lui a gâché son enfance et une bonne partie de son adolescence.
« Étant limité physiquement par rapport aux autres, je n’avais pas le droit de faire de sport avec mes camarades, n’y d’aller en altitude donc pas de voyages scolaires à la montagne. Je n’avais pas le droit d’aller à la plage, non plus. Je ne pouvais donc pas profiter de mes vacances dans mon pays d’origine, la Martinique. »
Ça ne se voit pas et pourtant ce jeune homme a beaucoup souffert aussi physiquement que mentalement. Il a échappé à la mort à plusieurs reprises :
« Ma plus grosse crise a été un syndrome thoracique aigu, suivi d’un choc anaphylactique qui m’a provoqué un arrêt cardiaque. Je me suis souvent posé la question « Pourquoi tout cela m’arrive-t-il ? ». Mais, j’ai très vite trouvé la réponse qui est elle-même une question : « Pourquoi un autre ? » ».
À 14 ans, il a occupé le siège d’un fauteuil roulant pendant plus d’un an (18 mois exactement), à cause d’une ostéonécrose de la tête fémorale, une usure importante de la hanche.
« Ça n’a pas été une belle expérience ! Le fait de savoir que je ne devais plus marcher pendant un temps indéfini a été très difficile à accepter. Mais, le plus dur, reste le regard des autres. La douleur psychologique était beaucoup plus difficile à supporter que la douleur physique. Malgré tout, cela m’a forgé d’avantage et m’a permis de mieux comprendre le quotidien d’une personne à mobilité réduite.
Bien que cela reste envisageable, je n’aimerais pas revivre cette expérience. »
Heureusement, il a le soutien de ses proches, ses amis et des bénévoles de l’APIPD. C’est en partie, grâce à ces encouragements que Taylor a la rage de vaincre.
« De nature, je suis quelqu’un de réservé. Je n’aime pas m’exposer au public ou raconter ma vie. Mais j’ai accepté d’être ambassadeur car de nature je n’abandonne jamais et j’aime donner espoir aux personnes qui en ont le plus besoin (surtout quand cet espoir est réel). Informer et réunir les gens, fait partie des meilleurs moyens de trouver des solutions contre cette maladie. »
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Aboraza et Taylor ne sont pas des privilégiés. Selon Taylor : « Le plus grand privilège que j’ai pu avoir, a été d’être informé de A à Z sur ma maladie et de savoir comment vivre avec. Bien sûr, il est arrivé que je sois pris en charge plus rapidement que d’autres et je n’en suis pas fier ! C’est pourquoi, je me sers de ce privilège pour me faire entendre et pour aider toutes les personnes directement ou indirectement concernées. »
Pour Aboraza, le fait d’avoir un père président d’association « n’a pas particulièrement donné de poids car malheureusement le corps médical pense être le seul à connaitre la maladie et à pouvoir soigner. C’était en tout cas, le cas à l’époque. Donc cela a été une lutte de tous les jours afin qu’ils puissent être écouté et les « privilèges » sont arrivés mais surtout grâce aux relations humaines plus qu’à un quelconque statut. ».
Aboraza Beranto a « passé le témoin » à Taylor Fixy. Ils forment tous deux une bonne équipe et sont complémentaires. Outre le fait d’être drépanocytaires et ambassadeurs de l’APIPD, ce sont des jeunes pleins de vie, avec un grand avenir.
Le plus grand souhait d’Aboraza est d’être heureux : « Peu importe la manière. Être ergonome et avoir mon Master va sans doute m’aider dans mon chemin professionnel, et à concrétiser ce que je veux faire à Madagascar ou en Afrique plus généralement. Mais après ce n’est pas ce qui m’importe le plus. Ce qui ‘importe c’est de m’épanouir et ce, quelque soit la manière d’y arriver. Je me cherche et espère me trouver. Mais je pense que c’est le lot de tout Homme qui cherche à s’accomplir, malade ou non. ». Tandis que Taylor, projets plein la tête, souhaite par dessus tout « faire évoluer [son] entreprise afin d’avoir les fonds nécessaires pour investir sur la recherche contre la drépanocytose et tout autre maladie et causes injustes. ».
En tant que bons ambassadeurs de la cause, Aboraza et Taylor ont souhaité vous transmettre un message d’espoir :
« La maladie est dure, chaque cas est difficile, mais la vie est un espoir constant. Chaque médaille à son revers. Et cette maladie m’a aussi apporté des choses magnifiques. Ça a déjà permis d’être l’homme que je suis aujourd’hui qui cherche à pousser ses limites et à construire son bonheur et cela m’a permis aussi d’être entouré de personnes vraies. Et au delà de ça, nous avons tous un chemin à parcourir et dans ce chemin, nous avons tous à faire face à des épreuves. Pour certains, c’est la maladie et pour d’autres, c’est autre chose. L’important est de trouver qui l’on est et surtout, ne pas avoir honte de cela.
Il faut accepter la maladie et écouter ce que nous dit notre corps et en prendre soin. Mais cela n’empêche pas de vivre et de se faire plaisir. Donc il faut tenter, tant que faire se peut, de VIVRE. Je répète ce mot mais finalement, pour ma part, il n’y a que ça de vrai. Le reste n’est que futilité. Et nous sommes nos propres limites. Il faut donc connaître nos forces et faiblesses et ainsi, s’adapter à ce que notre quotidien nous propose. » (Aboraza)
« Nous avons tous des problèmes. Certains sont plus graves que d’autres.
La vie est un combat ! Le plus important est de connaître ses limites pour pouvoir les dépasser, connaître son ennemi pour pouvoir le vaincre et de se connaître soi-même pour savoir que tout est possible ! Peu importe le handicap ou la difficulté ! Ne laissez rien ni personne vous prendre vos rêves. » (Taylor)
Une nouvelle page se tourne… C’est aux côtés de son acolyte Aboraza que Taylor VOUS passe désormais le relais… VOUS êtes, NOUS sommes TOU(TE)S ambassadeurs/drices de la cause ! NOUS sommes TOU(TE)S concerné(e)s par la drépanocytose.
Le combat est loin d’être terminé, il vient tout juste de commencer. Ne laissons pas la flamme de l’espoir s’éteindre. Ravivons-la chaque jour car ensemble, nous y arriverons. Nous parviendrons à vaincre la drépanocytose !
La drépanocytose, notre combat !
Crédits
Ambassadeurs : Aboraza Beranto et Taylor Fixy
Photos : T?M et M?T
Réalisation : Mandy F.
APPRENDRE A VIVRE AVEC LA DREPANOCYTOSE. Dans cet article qui sera publié demain, Plus Mince Plus Jeune souhaite apporter son aide aux malades, en prodiguant des conseils utiles sur le mode de vie à adopter, ainsi que le régime alimentaire adéquat pour limiter les crises. Le 1er article paru le 19 juin a présenté cette maladie génétique qui touche 15.000 personnes en France Cliquez ICI
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