Aspects socio-politiques
En France, le dépistage ciblé a été remis en question, notamment parce que l’interrogation sur l’origine géographique des parents pose des problèmes de discrimination dans un pays qui interdit par ailleurs les statistiques basées sur l’origine ethnique.
En 2012, la Haute Autorité de Santé (HAS) a été saisie par la Direction Générale de la Santé (DGS) de la question de la généralisation de ce dépistage à la totalité de population. Malgré les remarques de la (DGS) sur le danger de stigmatisation d’une partie de la population avec les dérives politiques qu’elle peut susciter, la HAS a conclu dans son rapport d’orientation de décembre 2013 rendu public en mars 2014, qu’il n’y a pas d’éléments permettant de justifier la pertinence d’une stratégie de dépistage néonatal systématique de la drépanocytose en France métropolitaine.
La HAS a estimé qu’en France, le dépistage ciblé de la drépanocytose restait préférable pour des raisons d’analyses de coût-efficacité, et de contexte historique, culturel et social. Les différences de flux migratoires, leur ancienneté, taille et origine géographique ne permettent pas de transposer une stratégie de dépistage d’un pays à l’autre.
Cependant, l’AFDPHE chargée Ministère de la Santé et la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS) d’organiser le dépistage néo-natal en France de 5 maladies dites « rares et graves » affirme :
Pour entreprendre le dépistage systématique d’une maladie, certains critères doivent être présents :
- La maladie est un problème de santé publique. Sa fréquence minimale est de l’ordre de 1/15 000.
- La maladie doit être connue et repérable avant l’apparition de lésions irréversibles et est sensible à un traitement efficace. En outre, son diagnostic peut être fait avec certitude grâce à des examens complémentaires faciles à réaliser chez le nouveau-né.
- Le marqueur doit être fiable, facile à doser avec une technique robuste et peu coûteuse. Le test réalisé ne doit être à l’origine que d’un minimum d’erreurs de classement des enfants bénéficiant du test.
- Les parents doivent avoir une information précise sur le programme mis en place. Cette information leur permet de comprendre et d’accepter l’acte qui leur est proposé : dépister pour prendre en charge efficacement.
- Les intérêts, coût-bénéfice et coût-efficacité doivent être démontrés, non pas seulement en terme financier mais aussi sur le plan d’une utilité personnelle pour le malade.
- Le financement du programme doit être acquis sur le long terme.
- L’organisation doit être définie avec un accès identique au test et une efficacité comparable pour toute la population.
À l’heure actuelle, ces critères sont réunis pour les cinq maladies du programme national de dépistage néonatal.
Ainsi, nous sommes en toute logique en droit de nous demander pourquoi cette exception est faite pour la drépanocytose. En lisant l’arrêté du 22 janvier 2010 fixant la liste des maladies donnant lieu à un dépistage néonatal [article R. 1131-21 du code de la santé publique], on retrouve effectivement cette exception écrite noir sur blanc, sans pour autant être explicitée.
Par ailleurs, le dépistage néonatal de la drépanocytose est utilisé par des militants identitaires, disciples de Renaud Camus, comme un argument « scientifique » de la thèse du « Grand remplacement ». Selon le quotidien Le Monde, les chiffres utilisés confondent dépistage d’une maladie et recensement ethnique. Ainsi, dans certaines maternités d’Île-de-France, la drépanocytose est dépistée chez tous les nouveau-nés, quelle que soit l’origine des parents.
D’autre part, ce ne sont pas que les enfants dont les parents sont originaires d’Afrique et du Maghreb qui sont systématiquement testés, mais aussi ceux du pourtour méditerranéen (Italie du sud, Grèce…), ceux originaires de l’Océan Indien et des départements d’Outre-Mer. Toutefois, selon Valérie Gauthereau, directrice de la fédération parisienne de dépistage, dans la pratique, les maternités essaient de cibler les personnes d’origine maghrébine ou africaine.