PSYCHO : L’annonce diagnostique de la maladie de son enfant : la drépanocytose et précaution à prendre
Il n’existe pas de « bonnes » façons d’annoncer une mauvaise nouvelle mais certaines sont moins dévastatrices que d’autres.
Dans le mémoire de Jenny Hippocrate paru en 2005, L’accompagnement de l’enfant drépanocytaire en provenance d’Afrique, l’aspect socioculturel et la symbolique du sang, cette dernière présente bien les différents éléments traumatiques qui peuvent être liés à l’annonce diagnostique et le sens que peut prendre cette maladie, la drépanocytose, pour le ou les parents en fonction de ses références culturelles, ethniques, ou à sa capacité à entendre le discours médical…
Jenny Hippocrate dit dans ce mémoire :
1. L’annonce diagnostique
Très souvent l’annonce du diagnostic est donnée par téléphone aux parents. Des fois, elle se fait dans une pièce feutrée avec le médecin. Notons au passage que les parents et le malade ne bénéficient d’aucun accompagnement psychologique.
Certains praticiens pensent à donner les coordonnées d’une association tandis que d’autres ignorent quelquefois même l’existence de celles-ci.
Madame R. originaire du Togo nous décrit l’annonce diagnostique de la maladie de son fils :
« Le médecin de famille m’a dit que mon fils était atteint de la drépanocytose, une maladie du sang. On ne peut pas guérir de cette maladie et l’espérance de vie est très limitée. Ne faites jamais de projet !
La vie d’un drépanocytaire est aléatoire. Oubliez les vacances à la montagne, à la mer. Oubliez aussi votre bled car l’enfant ne doit pas prendre l’avion. Préparez-vous à tout moment à la dernière crise, celle qui va lui être fatale. Contractez-vous une bonne assurance de rapatriement, au cas ou… Si vous constatez une érection douloureuse, c’est fini, même s’il s’en sort, il sera impuissant… etc. J’avais l’impression que mon enfant était déjà mort et que j’assistais à de longues funérailles. Tout le temps, j’étais aux aguets ; vérifier le zizi était devenu une obsession et dès qu’il poussait un petit cri, ou seulement qu’il pleurait parce qu’il avait faim, j’étais « survoltée ». Je courais de droite à gauche, trop peur de la crise fatale. Je vous avoue même que, j’ai souhaité mourir, mais qui allait s’occuper de mon fils ? (…) »
Cette mauvaise information pouvait entraîner des conséquences désastreuses pour cette mère de famille.
Mal ou pas du tout informé. le médecin qui doit annoncer la mauvaise nouvelle à la mère risque de fournir en même temps une mauvaise explication sur la maladie s’il ne la connait pas et, par voie de conséquence, de briser tout espoir de survie quant au drépanocytaire atteint. Ce qui, inéluctablement, entraînera chez cette dame l’idée de la mort certaine de son enfant.
2. Incompréhension, refus de diagnostic, renforcement du déni
Madame S. est originaire de Kinshasa, elle nous écrit, en référence à la drépanocytose :
« Je vis ici en Métropole depuis des années, tous mes enfants sont nés en France loin du bled. Je pensais « qu’on » nous avait oubliés et malgré la distance, on nous fait quand même de la sorcellerie. Le petit dernier a tout pris, « ils » ne l’ont pas raté et le médecin veut me faire croire qu’il est atteint d’une maladie génétique qui est transmise de génération en génération. Les blancs ne comprennent vraiment rien à la sorcellerie, on avait déjà fait du mal à mes ancêtres (…) »
À l’évidence, les explications médicales n’ont pas de sens pour cette dame.
Madame D. a appris la maladie de son fils au Mali, répudiée par le mari et battue par la belle-famille, elle arrive en France dans la clandestinité. Hébergée par une ex-belle-sœur, elle apprend alors l’existence de l’association et désire nous rencontrer :
Elle nous explique : « Le médecin dit que mon fils a une maladie du sang que nous lui avons transmise, explication que l’on m’avait déjà donnée au pays, pourtant mon mari dit qu’il n’y a que la mère qui puisse donner cette maladie à son enfant, soit déjà dans son ventre, soit par le lait de la tétée ; la génétique n’existe pas. Ce mot ne veut rien dire ! »
En conclusion, avant de rencontrer le médecin, les parents sont déjà déstabilisés, ils n’ont envie que d’une chose : savoir si leur enfant va guérir ou mourir. Et la question récurrente a sa place : si c’est une maladie qui ne guérit pas, quelle est l’espérance de vie de notre enfant ?
Pour ce qui concerne la drépanocytose, puisque l’espérance de vie a progressé ces dernières années et que certains malades vont avoir une vie quasi-normale, les questions posées sont les suivantes :
Va-t-il être comme les autres ? Aura-il des enfants ou un conjoint ? Pourra-t-il exercer un bon travail ? Etc. …
Le médecin va tenter de répondre aux questions, et quand il y aura une éventuelle hésitation de sa part, les parents vont se sentir agressés et non compris et le même schéma va alors se reproduire au niveau de ce même docteur.
C’est à ce moment que certains médecins pensent à l’association.
On remarque que c’est le médecin qui a « dit », donc c’est lui le porteur de mauvaise nouvelle. C’est pour cela que le médecin doit rester prudent à l’annonce du diagnostic…
Extrait du Diplôme Universitaire : « Accompagnement des personnes atteintes maladie génétique et de leur famille » : Université PARIS VI : Faculté de Médecine Pitié-Salpêtrière.
Depuis la soutenance du mémoire de Jenny Hippocrate, les choses ont évolué positivement, il n’y a presque plus d’annonce diagnostique par téléphone et les médecins connaissent mieux la drépanocytose.
Voici ce que dit la Has (Haute Autorité de santé) :
« Annoncer une mauvaise nouvelle est toujours difficile, que l’on se place du côté du soignant qui reçoit un patient et doit la lui annoncer ou du côté du patient qui la reçoit. Cette annonce va changer radicalement le cours de la vie du patient et sa perception de l’avenir. La difficulté que les professionnels de santé peuvent ressentir pour l’annoncer est liée à cet état de fait, il est toujours difficile de dire à une personne que ses projets de vie sont remis en cause…
Annoncer c’est « communiquer », « faire savoir » que quelque chose existe et/ou va se produire. Ce n’est pas seulement informer, ni même « faire comprendre », mais c’est transmettre quelque chose de complexe et d‘élaboré. Les patients ne sont pas nécessairement familiers avec le savoir dont dispose le médecin. Annoncer, c’est cheminer avec un patient vers la connaissance qui le concerne. Les annonces, tout au long du processus d’accompagnement, doivent donc permettre aux professionnels de donner au patient les informations dont il a besoin. Le médecin a un rôle particulier dans ce processus puisqu’il est souvent le premier à annoncer le diagnostic… »
Extrait de la Has
Il est tout aussi « négatif » de « tout dire » que de « ne rien dire ». Souvent l’émotion est tellement forte lors de la première annonce que le patient n’entend qu’une petite partie de ce qui est dit. Il faut donc accommoder la forme et le contenu des informations données progressivement aux familles en prenant compte de ce qu’elles sont capables d’entendre.
Il est utopique de penser qu’on va tout expliquer en un seul entretien. De ce fait, il faut revoir la famille plusieurs fois pour reparler de ce qui a été dit et cheminer avec eux vers une meilleure connaissance de la maladie de leur enfant. Il est vraiment important de permettre aux parents de trouver un sens à ce qui leur ont été dit, mais dans un premier temps de manière rassurante.
Des temps de « déni » (refus inconscient d’entendre ce qu’on leur dit) existent chez beaucoup de parents. Alors, il faut prendre le temps de dépasser peu à peu ce déni, en partageant avec eux ce que représente la maladie au quotidien.
Le fait d’orienter la famille vers une association spécialisée dans la connaissance de la drépanocytose permet au médecin d’être relayé, mais de garder sa place de référent spécialiste de la maladie.
Même si l’association est présente, le fait d’avoir un médecin référent permet à la famille d’accueillir les propos de ce dernier de manière moins angoissée. Alors soutenue par l‘association et ayant le médecin référent, la famille entendra plus facilement les conseils et pourra prendre les précautions qu’il faut pour l’avenir de l’enfant malade.
À l’APIPD (Association Pour l’Information et la Prévention de la Prévention), nous faisons un travail de fond avec la famille et nous l’accompagnons dans la gestion au quotidien de la vie de l’enfant malade. Nous sommes plus d’une dizaine formée dans la relation d’aide entourée de deux psychologues qui gèrent l’ensemble des dossiers.